
Une saison de ski à Val Cenis, en Haute Maurienne
La Haute Maurienne, c’est un petit bout de Savoie, au fond de la vallée de la Maurienne, à une heure trente de Chambéry.
Située géographiquement dans les Alpes du Nord, elle est plutôt comparable à ses proches voisines des Alpes du Sud : de belles forêts de mélèzes, un ensoleillement de qualité et des retours d’est souvent mythiques.
Voilà ce qui fait le charme de la Haute Maurienne1, ce territoire atypique aux antipodes des stations usines de la Tarentaise.
Mais cette qualité est aussi un défaut.
Tout comme on a coutume de dire que la France a plusieurs années de retard sur les États-Unis, on constate également que la Haute Maurienne accumule un bon retard sur les autres stations françaises !
Et le freestyle n’a pas échappé à la règle. Les infrastructures freestyle (cf. les snowparks) de Haute Maurienne sont proches de l’inexistant. La seule initiative dans cette vallée trop calme est à mettre sur le compte des « Psykocats », un crew de riders locaux qui compte une cinquantaine de membres. Tous passionnés de freestyle et freeride, ils passent leur temps entre runs dans les mélèzes et freestyle en back country. A leur initiative, un snowpark à Termignon-la-Vanoise a vu le jour (l’an passé, il n’a été visible que trois semaines), et à défaut de soutien et d’intérêt de la part des stations locales, cet espace freestyle reste anecdotique.
Malgré cette quasi-absence d’infrastructures, la Haute Maurienne et plus particulièrement Val Cenis2 sont dotées d’un terrain de jeu naturel très varié permettant d’imaginer de nombreux spots, en forêt, dans les grandes combes poudreuses, par-dessus les congères, sur les névés… Après tout, c’est bien cela l’essence même du freestyle !
Ne pas se laisser enfermer dans un schéma rigide, mais exploiter, imaginer, inventer une nouvelle façon de skier sur des spots parfois éphémères.
C’est dans cet esprit que nous avons réalisé, tout au long de la saison 2007/08 ces clichés.
Récit…
Mois de janvier, la neige tombée en décembre n’est plus ce qu’elle est, nous nous tournons donc vers le seul et unique rail posé au hasard sur le domaine…
Alex sur le rail plat descente
Scorpion en fait de même
En Mars, premières vraies chutes de neige depuis plus d’un mois, direction les versants nord pour un bain de poudreuse.
Scorpion ride la neige du matin, sous les gazex. La neige vole…
virage poudreux, en contre bas, Lanslebourg
Barre reception poudreuse
Jeux d’ombre et de géométrie
Jump sur fond de vallée
Back flip sur congère
La neige froide se laisse transpercer, sans bruit
Un dernier jump matinal, la neige légère forme des ombres éphémères
Etre délicat…
Un dernier vol pour la journée, dans la vallée, le printemps a déjà repris ses droits
Quelques jours plus tard, la neige a fondu, les réceptions sont plus difficiles.
Mais Scorpion téméraire est décidé à envoyer. Un rocher de quelques mètres, une réception technique qui ne permet pas l’erreur, un beau soleil, tout est là pour ce beau résultat photographique.
Mathieu Marguet, rider Movement de passage à Termignon, sous l’objectif de Pascal Bulgakow. Un rail en C posé exceptionnellement sur le sommet des pistes.
En avril, la fin de la saison arrive… et pourtant, les sessions d’avril ont été exceptionnelles, de la neige en abondance, mais exploitable uniquement le matin, elle transforme déjà vite au soleil, même à 2500 m d’altitude, c’est donc l’occasion de découvrir de nouveaux spots, au hasard de nos délires photographiques.
Le sommet des pistes de Val Cenis se situe à 2700 mètres d’altitude. C’est un panorama de haute montagne qui s’offre à nous. Le lac du Mont Cenis3 en contre-bas nous tend les bras, mais il n’y a pas de remontées mécaniques sur ce versant, l’exploration s’avère donc délicate, d’autant que la neige recouvre tout juste les cailloux les plus saillants.
Mais après quelques centaines de mètres, un beau rocher apparait en surplomb du lac et de la frontière italienne, un spot plus visuel que technique, mais c’est bien cela que nous sommes venus chercher.
Premier essai concluant pour Scorpion
Mieux vaut tomber de ce côté que de l’autre
Le spot correspond à nos attentes, le lac du Mont Cenis permet des prises de vues magnifiques, il est encore à moitié gelé, on joue avec le gris des rochers, le bleu du lac et le blanc de la glace.
Scorpion en tail press, simple mais efficace
Alex, one shot, seul entre ciel et mer !
A la limite de l’équilibre
Séquence en double tail
Le double tail sous un autre angle
Bleu, blanc, symétrie naturelle
En nose
Le lendemain, nous revenons avec les meilleures intentions. Une nouvelle voie de neige pour redescendre et ainsi tenter des transferts. Malheureusement le spot est difficile à customizer et surtout dangereux, une chute serait fatale (une bonne vingtaine de mètres nous attend de l’autre côté !). On se contentera de quelques transferts classiques.
Cette fois-ci, il est bien l’heure de mettre les skis au placard, le mois de mai arrive, et ses premières bouffées de chaleur avec.
À Bessans, la vie s’est arrêtée : plus de skieurs, plus d’enfants, les commerces sont fermés… Et pourtant, on trouve encore de belles hauteurs de neige sur les versants ombragés, c’est en direction de la vallée d’Avérole qu’un spot retient notre attention, une succession de pillows, la réception est plate et les possibilités ne sont pas illimitées, mais nous restons quelques heures sur place, histoire de voir ce qu’à ce petit bout de pente a dans le ventre.
Scorpion en 180 hand drag
Le mois de juin, la neige cette fois-ci a bien disparu, on n’en retrouve plus trace qu’en dessus des 2000 m, c’est aussi l’altitude du lac du Mont Cenis, et juin correspond à l’ouverture du col du même nom, vous imaginez la suite ?
L’expédition pour le lac du Mont Cenis débute. Des pelles, une barre de fer, beaucoup de motivation et c’est parti !
Les névés ne sont pas toujours à l’endroit souhaité. Souvent trop petit, trop pentu, sans intérêt, trop loin, trop dangereux, on jettera malgré tout notre dévolu sur ce névé qui offre un beau panorama sur le lac et qui, à première vue, dispose d’une configuration correcte pour poser une barre de rail à l’horizontal.
Mais les plans ne se réalisent pas toujours comme prévu.
La barre est lourde, et surtout trop courte. Pour ne rien arranger, elle ne glisse presque pas, rouillée par le temps. À cela, s’ajoute la neige de névé qui, sachez-le, est comparable à de la glace : presque incassable. Formez un kick de 50 cm de haut nous aura demandé une bonne heure, tout semble se passer pour le pire.
Puis viennent les premiers essais qui scellent définitivement les débats : spot in-ridable !
Mais, nous en sommes sûrs, nous ne sommes pas montés pour rien. Finalement le spot se transformera en drop de rocher flat to flat (plat de chez plat !).
Il y a comme un problème (la courbe serait-elle trop brutale ?)
Changement de plant à la hâte
Et… drop !
Alex en nose grab
Fin de session, le soleil se couche… Contemplation
Cette fois-ci, c’est bien fini. La neige n’est plus. Mais le freestyler a-t-il besoin de neige ?
Réponse… oui ! On le sent bien perdu dans cet univers végétal…
Scorpion, cherche la neige…
Une saison s’achève, une nouvelle commence. C’était le récit d’une saison en Haute Maurienne, une dose d’imagination et beaucoup de motivation. Nous espérons que ce portfolio vous aura plu et qu’il vous aura donné envie de découvrir, d’imaginer et de toujours réinventer votre façon de skier.
En bonus, nous vous proposons un avant-goût du prochain portfolio…
Texte : Alexis B.
Riders : Alexis Blondin & Romain Guiraud aka Scorpion
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